Il y a tellement à faire pour Jésus !
Octobre 1997, je suis hospitalisée au CHU d’Angers.
Je suis enceinte de cinq mois et trois semaines d’une petite fille que nous avons déjà décidé d’appeler Léa. Je fais partie de la génération “Distilbène” ce médicament qui a abîmé tant d’utérus de petite fille dans le sein de leur maman. Avant Léa j’ai porté dans mon sein Simon, décédé à la naissance, puis Pierre et Paul partis eux aussi.
Léa, c’était déjà notre perle précieuse, notre Amérique… Léa, c’était notre espérance, la certitude des choses que nous ne voyions pas encore. Perdre Léa était impensable car notre coupe de douleur n’était déjà que trop remplie de larmes. Nous avions traversé les vallées de la mort et cette enfant nous annonçait des journées ensoleillées.
“Père, si Léa meurt, alors, s’il te plaît je veux mourir aussi !”Je me trouvais donc allongée. La situation était de plus en plus critique, sans aucun signe d’amélioration. Les contractions allaient et venaient, menaçantes, car Léa était trop petite, il fallait tenir quelque temps encore avant d’être transférée dans le service néonatal.
Je me souviens de ce jour où j’ai pris conscience que je pouvais perdre ma fille. Cette éventualité était inadmissible, il me semblait que je ne pourrais y survivre, du moins psychiquement. J’étais lasse du combat, fatiguée, usée. Dans un grand cri de détresse j’ai fait cette prière “Père, si Léa meurt, alors, s’il te plaît, je veux mourir aussi !”
Crucifiée !
Quelque dix jours plus tard, une échographie révèle la cause des contractions. Un hématome s’est formé dans l’utérus, quasi aussi gros que le bébé.
1er novembre : dès le matin les contractions sont de plus en plus fortes et peu avant midi, je suis emmenée d’urgence pour accoucher, consciente une fois de plus que je ne bercerais jamais mon enfant. À ce jour encore je sens dans mon dos les vibrations du chariot qui roule à grande vitesse dans les couloirs des urgences, à cet instant, je suis crucifiée dans mon cœur.
Puis tout va très vite. Les contractions s’accélèrent, trop douloureuses car elles écrasent à chaque fois cet énorme hématome. J’entends vaguement les voix des infirmières, elles ont des problèmes “on n’a pas le temps de lui faire ceci, vite, vite !” plus tard je compris que ma vie était en jeu.
La souffrance est intolérable, au-delà du supportable, puis tout à coup… plus rien…
Un amour inconditionnel
Je suis dans une grande paix, baignée dans la Présence du Père. Je me sens tellement aimée et surtout sans condition. L’inconditionnalité est le mot pour décrire cet amour, et ce mot est bien fade cependant. Le Père me rappelle ma prière et me dit que maintenant je suis libre de rester ou de revenir sur la terre. Libre est un mot bien faible, car j’étais royalement libre, divinement libre. Le Père m’a montré que ma prière avait été dite dans un tel dépouillement, une telle nudité, qu’elle avait été comme une flèche en or qui était allée directement dans son Cœur.
Je comprenais qu’au Ciel la pauvreté avait son pesant d’or ! oh combien j’étais prête à rester en cette délicieuse Présence.
A cet “instant”, j’entendis des milliers de voix chantantes arriver jusqu’à moi dans une brise mélodieuse, et perçus en même temps la présence de nombreuses personnes, qui d’un seul cœur me disaient “Myriam, Myriam, il y a tellement à faire pour Jésus sur la terre !”.
Je répondis “alors je reste” et me retrouvai sur notre terre, dans ma chair.
Ce jour-là, j’ai tenu ma fille Léa “morte” dans mes bras et je me souviens, tout en la regardant, avoir réalisé combien la vie est un mystère qui nous dépasse et combien Dieu en est le maître.
Depuis je suis à genoux dans mon cœur devant un tel mystère et la présence d’un tout-petit est pour moi aussi intense que mes moments d’adoration.
C’était le 1er novembre 1997, fête de tous les saints, moi je l’avais oublié, mais eux étaient venus m’accompagner.
Extrait du livre « la mort, témoignage de vie » de Thierry Fourchaud
disponible sur www.mariereine.com